mercredi 20 janvier 2010

Aventure malgache: Carnet de voyage

Vendredi 1er janvier: Le Soa Soa

Journée de départ. La nuit fut courte… angoisse liée au voyage, peur de ne pas entendre le réveil. On se lève. La maison est encore endormie. Petit à petit, tous émergent pour nous dire au revoir.
Marius arrive à se glisser dans la voiture pour nous accompagner à l’aéroport. Il est encore tôt, surtout pour un lendemain de réveillon.
On récupère Caro et Rapha et nous voilà partis.
A l’aéroport, il n’y a pas foule et pourtant l’attente est longue. On se fait doubler avec le sourire. Le steward au comptoir semble dépassé. Contrôle douanier, achats rapides au Duty-free, embarquement et décollage direction Nosy-Be.
A l’arrivée, il fait très chaud. Le dépaysement est immédiat. Je suis déjà ravie d’être là. Pourtant, très vite, nous affrontons notre première déconvenue. Au fur et à mesure que les bagages défilent sur le tapis roulant, le sentiment qu’il nous en manque un devient une évidence. La valise d’Olivier est restée dans l’avion qui a déjà redécollé direction Dzaoudzi (Mayotte !). Il n’a plus rien à se mettre ! En outre, il manque les éléments de connectique du téléphone et de l’appareil photo, ainsi qu’une bonne cinquantaine de disques spécialement choisis pour la croisière.
Le trajet en taxi jusqu’au port du Cratère est dès lors moins savoureux, malgré les petites cases en bois sur pilotis, les odeurs délicieuses d’ylang-ylang et la végétation exubérante.
On ne croise que des 4L à bord de notre taxi rouge (une 4L aussi). La route est caillouteuse, puis elle devient quasi infranchissable, mais la voiture résiste, s’accroche et parvient à nous déposer au port du Cratère, littéralement au pied de notre catamaran.
Petite visite du Soa-Soa, puis balade sur les plages d’Ambatoalaka et Madirokely à croiser des connaissances d’Olivier, de Caro et Rapha. La journée est longue mais belle. On finit au restau Chez Tsenga, sur la plage. Au menu : délicieux cabri « comme la mémé », jarret de zébu, mérou rouge et « misao » (sorte de bol renversé avec des nouilles chinoises).
On glousse de plaisir, on a le ventre plein. Tout nous semble beau, doux, délicieux et, sous la lune, nous rentrons à pied au bateau.
Il fait très chaud sur le catamaran pour notre première nuit ; ça y est, notre aventure malgache est bien entamée.



Samedi 2 janvier : Le vrai départ

Debout aux aurores, direction Hell-Ville (la capitale !) que l’on parcourt en tous sens pour acheter des lambs (tissus), du thé, des croissants… Après moult tergiversations marquées par de nombreux coups de fil à Air Austral pour dénicher la valise manquante, nous apprenons que celle-ci a atterri à Dzaoudzi et qu’elle doit nous revenir en milieu de journée.
Caro, Rapha et moi rentrons sur le bateau, tandis qu’Olivier retourne à l’aéroport pour la récupérer. En l’attendant, on goutte nos premières langoustes sous le taud qui nous protège de la chaleur malgache à l’arrière du bateau. Olivier nous rejoint soulagé, sa valise en main. Et c’est le vrai départ !
Première étape : la baie des Russes. La traversée dure trois heures et s’effectue sans encombre, à la voile et au moteur. On arrive avec la nuit dans l’immense baie… et avec la pluie qui commence à tomber pendant notre sommeil.


Dimanche 3 janvier : Où je découvre que je suis une pure terrienne !

Réveil mouillé et petit-déjeuner à l’intérieur du carré, à l’abri du vent et de la pluie. René, le sympathique mousse et fin cuistot du bateau, appelle la météo et nous annonce dans un grand sourire qu’il y a une tempête pas très loin. Prochaine étape : aller s’abriter à Baramamahy, un petit estuaire où nous pourrons remonter une rivière en bateau entre deux bras de la Grande terre.
La traversée est agitée. J’ai vite le bide en vrac, des suées froides, les jambes qui chancellent et je tente de dormir le plus possible pour oublier les vagues, les odeurs de mazout, la gerbe. Je ne suis pas fière !
Arrivée à Baramamahy avec le soleil. René cuisine une belle carpe rouge péchée durant la traversée. J’apprécie modérément. Je rêve de poser pied à terre, de laisser le roulis un temps, mais la pluie nous rattrape et nous coince une bonne partie de l’après-midi dans le carré.
Seule éclaircie : un enfant amarre sa pirogue au bateau pour nous vendre de pleins paniers de gros crabes. Florent (notre capitaine taciturne et taiseux) en achète quelques-uns puis lui sert une assiette de légumes et de pain… qu’il avale en quelques minutes avec un sourire radieux !
C’est en toute fin de journée qu’on débarque emmitouflés dans nos capes de pluie pour découvrir la plage de Pierrot. Pierrot, c’est le propriétaire du bateau, un copain de Caro et Rapha qui, depuis la Réunion où il est basé, cherche à s’installer ici – il a d’ailleurs acquis récemment ce bout de plage ainsi qu’un pan de colline où les villageois bâtissent une maison sommaire pour lui.
En face, de l’autre côté de l’estuaire, qu’il faut traverser en évitant autant que possible les crocodiles (nous ne les avons pas vus, mais ils pullulent paraît-il), nous découvrons le village principal de Baramamahy. Un village de pêcheurs fait de cahutes en bois sur pilotis.
Il flotte, il vente, mais on est heureux d’être enfin sortis du bateau. Capitaine Florent nous sert de guide et on erre tels des fantômes sous un méchant grain à travers les petites cases.
Au retour, des crabes de mangrove en sauce tomate nous attendent. René a encore fait des merveilles ! Entre deux siestes, je goûte à tout sans excès, tandis que les trois autres, qui ont la grande forme, s’en mettent plein la panse. Il pleut toujours. J’ai le bide en vrac… mais on n’est pas mécontents d’être là.


Lundi 4 janvier : Balade dans la mangrove

Au petit matin, le temps est plus clément et le soleil gagne vite. On retrouve un ciel bleu et une chaleur étouffante. On débarque une nouvelle fois à terre avec nos sacs remplis d’effets scolaires (livres, stylos, craies) et quelques vêtements pour les petits. Une nuée d’enfants nous cerne rapidement. On s’installe autour d’une table, au centre du village, pour distribuer nos maigres biens.
Certaines femmes attrapent des petits habits et les cachent dans leur lambs, tandis que les enfants font sagement la queue, espérant recevoir une robe, un short, un petit tee-shirt. Des cadeaux bien modestes. Mais ils ont tous le sourire et je suis ravie de voir les robes de Lili portées par d’autres princesses d’ici.
Pour nous remercier, un des hommes du village nous offre une escapade au cœur de la mangrove, le pays des crocodiles. Heureusement, nous n’en croiserons pas plus que la veille. On ne voit pas beaucoup d’oiseaux non plus, juste quelques échassiers majestueux. On a très chaud. On n’a pas d’eau… Mais personne ne râle et, au retour au bateau, on s’enfile une grande bouteille de coca.
Le bateau redémarre pour nous conduire en douceur, et sous le soleil cette fois !, vers l’archipel des Radama. Le bateau glisse sur des vaguelettes. On déguste des crevettes en sauce. Petite sieste à l’avant sur le filet. Traversée paisible et arrivée à Kalakajoro (l’île principale de ce bel archipel sudiste).
Le mouillage est moins abrité que les autres fois, ce qui m’angoisse un peu. Heureusement, la découverte de notre nouvelle plage me fait oublier mes craintes : c’est une plage bordée de filaos, traversée un moment par un troupeau de zébus. Il y a beaucoup de moustiques et de mokafohys (prononcer moukafou), des petites mouches blanches qui piquent.








Mardi 5 janvier : Les Radama

A 6 heures, nous sommes tous levés pour admirer, depuis le pont, la belle île de Kalakajoro ! Un rocher complètement végétalisé, longé par une plage de sable blanc bordée de petites maisons en bois sur pilotis.
Le village s’éveille. Un homme ratisse le sable devant sa maison, une femme passe avec ses enfants, une autre porte sur sa tête une grande bassine verte. En fond sonore, le clapotis des vagues et les chants de centaines d’oiseaux cachés dans la végétation ; essentiellement des arbres du voyageur, des filaos, quelques lianes aussi, mais peu d’arbres fruitiers. La Grande terre se trouve en face, à une journée de pirogue. Un autre bout du monde…
Première plongée plutôt décevante, bien que toujours impressionnante pour moi qui suis piètre nageuse. On flâne en masque et tuba le long de quelques rochers pour voir finalement peu de poissons. Mais ça fait du bien de se baigner. Au final, c’est notre première baignade depuis le départ sur la grande bleue.
Au retour de la plongée, l’annexe du bateau tombe en panne : moteur noyé. On doit pagayer jusqu’au catamaran, Florent à la rame et les garçons une palme dans chaque main. Pendant ce temps, Caro et moi jouons les sirènes, tentant de godiller avec nos pieds palmés pour ramener le frêle esquif à bon port.
A vrai dire, pas grand-chose ne marche sur ces rafiots. L’annexe dispose d’un antique moteur de 5 Cv et prend l’eau. En outre, il faut la regonfler avant toute nouvelle utilisation car elle se dégonfle lentement mais surement à chaque arrêt. Côté catamaran, la mécanique est vieillissante et nous oblige à des réparations à toutes les escales ; les embases sont rouillées, les feux de mât ont cessé depuis longtemps de briller et, si le bateau dispose d’une radio longue distance, capitaine Florent nous avoue benoîtement qu’il ne sait pas vraiment s’en servir…
Malgré ce, notre capitaine navigue plus souvent au petit moteur qu’à la voile. Nous le soupçonnons de ne pas maîtriser totalement cet élément de la navigation – des soupçons qui se confirmeront plus tard lorsque, piqué par un autre catamaran qui nous doublât toutes voiles dehors, Florent voulut le suivre avant de ranger précipitamment le génois qui claquait au vent, menaçant de nous faire chavirer en coupant quelques têtes au passage… Nous reprîmes alors piteusement notre lente marche en avant, poussés par deux moteurs essoufflés assurant une vitesse moyenne de cinq nœuds.
Aujourd’hui, on a décidé de peu naviguer. On préfère rester au large des Radama pour se baigner, profiter des paysages. Après une petite traversée d’une heure, nous voici face à Nosy-Ovy : une immense plage de sable blanc bordée d’une haie de cocotiers penchés vers l’océan, devant les sempiternelles mêmes cases en bois flotté sous toit de palmes.
Tandis que la mer se retire inlassablement, de grandes pirogues à balanciers s’échouent peu à peu sur le sable. On remet nos palmes et tubas pour aller voir ces nouveaux fonds plus prometteurs. Les trois autres filent au loin vers les patates de corail, tandis que je découvre une vaste prairie sous l’eau : des algues et de l’herbe (à tortues ?) à perte de vue ; quelques rares poissons. Je peine à rejoindre les trois naïades en lycra. J’admire hâtivement les fonds plus profonds avant que la marée descendante nous force à rentrer. On met une heure à rejoindre la plage palmes aux pieds, en nageant mais surtout en marchant comme des pingouins sur les rochers coupants. La température de l’eau doit dépasser les 30°. Le vent est extrêmement chaud, le soleil pique.
Puis, il faut faire le chemin inverse en tirant l’annexe sur une centaine de mètres car l’eau manque. Il est presque 15 heures quand on déjeune enfin sur le bateau : filets de zébu et pommes de terre sautées ! Toujours aussi bon, le René !
Nous devons ensuite repartir pour nous mettre à l’abri d’un grain. C’est décidemment bien la saison des pluies. Nous passons la fin de journée dans le carré à jouer au scrabble et regarder la nuit tomber, tout en écoutant Pink Floyd et en savourant des crêpes à la banane et au chocolat concoctées par Florent ; un capitaine toujours aussi taiseux mais finalement bon camarade. Excellent camarade, même, lorsqu’il nous sert son énième tournée de caïpirina frappée en guise d’apéro : miel de pays, citrons galets et rhum Mangoustan !
Pendant ce temps, l’indétrônable René cuisine une carangue péchée dans la journée et, au dessert, éteint toutes les lumières pour nous servir de délicieuses bananes flambées au rhum sous un tonnerre d’applaudissements !
Moment magique, inoubliable, et d’une grande qualité humaine si l’on considère cette gentille attention comme un subtil moyen de nous faire oublier le mauvais temps et l’inquiétude qui gagne le bateau dans ce mouillage inconnu de notre équipage.
Je fais tout pour oublier le roulis de plus en plus fort, les vagues et les bruits inquiétants de la coque. Je ferme les écoutilles. Florent arpente le pont torche en main, l’air de plus en plus inquiet : le bateau tangue, roule, verse à droite puis à gauche. L’eau frappe violemment les flotteurs. Sommes-nous en train de dériver ? Puis vient une accalmie et la nuit redevient étoilée. On chante quelques chansons sous la voie lactée. Fin de journée.

La carangue du bon René
Dans un mortier, piler 10 gousses d’ail, un bon morceau de gingembre, du sel et du poivre. Rajouter de l’huile, un citron pressé, du nuoc-mâm, 2 cuillères à café de moutarde et une bonne pincée d’épice à carry. Faire de larges entailles dans la chair du poisson et farcir avec cette préparation. Arroser de nuoc-mâm.
Faire griller au barbecue ou placer 30 minutes à four chaud.
Servir avec du riz jaune ou du riz coco. Un régal !



Mardi 6 janvier : Nosy-Iranja

On quitte Nosy-Ovy assez tôt, mais moins que prévu suite à une nouvelle panne de moteur… Direction, Nosy-Iranja ! Après 5 heures de navigation, on découvre deux îles reliées par un banc de sable blanc qui se découvre au fur et à mesure que la mer recule. Sur la plus petite des deux îles, Olivier nous emmène dans un hôtel de grande classe où il a séjourné lors d’un reportage deux ans auparavant : luxe étonnant dans cette région perdue au bout du monde ! Sur la terrasse en caillebotis, nous sirotons deux jus de fruit et deux THB (Three Horses Beer, la bière locale, servie dans des bouteilles de 45 Cl). En face, sur la grande île, se trouve le village traditionnel avec ses cahutes en bois.
Nosy-Iranja signifie « l’île aux tortues ». On en aperçoit nager quelques-unes depuis le bateau. La mer est d’un bleu turquoise translucide. Quelques oiseaux font des ronds au dessus du sable. On se croirait au paradis et, dans ce décor de rêve, nous nous posons un instant qui nous paraît une éternité.
Retour au bateau, où René nous a préparé de délicieux crabes en sauce coco. Puis, nous repartons vers la baie des Russes pour un mouillage au calme en prévision du gros temps qui s’annonce. Sur l’eau, on fait la course avec un gros grain qui nous rattrape vite. Le vent souffle, la mer se lève. Je m’isole dans le carré. Les autres plus courageux restent dehors. Olivier retient l’annexe qui manque de s’envoler. A quatre, ils peinent à replier le génois dans les rafales. C’est une véritable petite tempête qui nous conduit au bout de trois heures à la baie des Russes. Au repas, carpaccio de thazard (péché avant que la tempête ne lève) et darnes panées de ce même poisson tendre et délicieux.
Après le repas, René nous fait une petite frayeur en annonçant avec son accent qu’il y a un « clyçone » pas loin, à moins de 100 km de Diégo Suarez, soit à 360 km de notre mouillage. L’angoisse monte. Ça nous semble bien proche et on se dépêche de vérifier l’info en appelant nos proches à la Réunion et un contact d’Olivier au port du Cratère. Au final, il y a bien un cyclone en formation, mais à plus de 2 000 km à l’Est de la Réunion ! On a le temps de voir venir et on enchaîne sereinement quelques parties de tarot.

Quelques éléments du vocabulaire employé à bord
« Caracole ? » (Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?) ; Azafady (pardon) ; « Misotch betsaka » (merci beaucoup) ; « Veloma » (au revoir) ; « Mafana be » (il fait très chaud) ; « Soa » (beau, belle) ; « Tsara » (superbe) ; « Kombera » (santé !)

Les mots du bon René
« Tripoli » (trampoline) ; « Clyçone » (cyclone) ; « Yaya OK » (oui) ;
« Pitin, fait chier » ; « La baie des Risses »…



Jeudi 7 janvier : Bye-bye Soa-Soa

Au petit matin, certes il n’y a pas de cyclone, mais les nuages sont très nombreux. On n’a vraiment pas de chance côté météo.
Le décor est toujours le même : une large baie, très verte, bordée de plages de sable blanc et de petites maisons en bois. Dans l’eau, de modestes mais belles pirogues à balancier qui attendent le départ des pécheurs ; quelques boutres aussi, chargés jusqu’à la gueule de bétail, denrées, matériaux divers et variés (briques, sacs de ciment…). Il fait gris, pluviote avec un petit vent. Quelques dauphins longent calmement le bateau amarré.
Sous la pluie, une pirogue avance vers nous pour nous proposer des crabes de mangrove et des citrons verts.
L’odeur du thé mahorais au gingembre et du café emplit la cabine. Le bateau tangue doucement. Dehors, Florent parle avec le vendeur de crabes. Caro et Rapha se réveillent. Il est tout juste 7 heures. Au petit-déjeuner, la pluie redouble. Olivier en profite pour se doucher sur le pont.
Le bateau a un problème d’anode. Florent et les garçons décident d’aller interroger Andrew, un Sud-Africain qui vit sur une colline au fond de la baie. Il est censé réparer des bateaux avec sa femme, qu’Olivier avait interviewée deux ans auparavant pour son reportage. Ils vivent tels des Robinson dans une cabane en bois perchée dans les arbres.
On prend l’annexe et nous voilà chez Andrew. On appelle. Personne. On fait le tour, on rappelle. Toujours personne. Puis on grimpe sur la colline dans un petit sentier minuscule où l’eau dégouline et la boue rouge s’agrippe aux chaussures. Il pleut toujours. Au bout de 15 minutes de grimpette entre joncs et arbustes, on arrive au sommet et on découvre Andrew au milieu de nulle part, accroupi sous un bout de tôle d’1 m2 qu’il tient à bout de bras avec, sur les genoux, un mini ordinateur connecté à un antique téléphone satellitaire. C’est le seul endroit de la colline où la connexion passe. Le jeune accastilleur discute via Skype avec sa femme Lisa qui se trouve en Afrique du sud… Image surréaliste, incroyable !
Au final, Andrew ne nous aide pas tellement mais confirme nos craintes concernant le branchement des anodes aux embases… On repart direction Nosy-Sakatia.
Quand on navigue, il faut oublier le temps… C’est long, pas toujours agréable, surtout quand il pleut et qu’on ne peut ni lire, ni jouer parce qu’on a l’estomac mal accroché. Alors, moi, je ferme les hublots, je m’isole, je tente d’oublier et je pense à n’importe quoi : à ce que je vais noter dans ce carnet, à la couleur de la peinture que je veux mettre dans la chambre de Lili…
Caro aussi commence à en avoir assez. Du coup, on décide de changer notre programme : on va quitter le Soa-Soa pour remettre pied à terre et passer les quatre derniers jours au sec.
En attendant de débarquer, au large de Nosy-Sakatia, on déguste une dernière fois des crabes de mangrove cuisinés par René. On repart enfin pour le port du Cratère, notre point de départ.
En arrivant dans le port, je ne regarde plus les bateaux de la même façon. Je suis ravie de quitter le nôtre, de retrouver la terre ferme dès demain… et je n’ai aucune envie d’essayer un autre navire. Je connais désormais mes limites de navigatrice.
Le soir, on partage l’apéro et le repas avec notre équipage. Rapha tente de perfectionner son « excellent » accent malgache. Nous, on rit, surtout René. Suivent quelques parties de domino dans le carré en écoutant du Salegy (la très rythmée musique locale) avec le champion en titre, Florent, qui nous quitte bientôt pour téléphoner à son « deuxième bureau » (sa maîtresse, en somme).


Vendredi 8 janvier : Retour sur terre

Une autre aventure commence. On part à la recherche d’un bungalow. C’est avec un taxi sans frein qui roule trop vite que nous découvrons notre nouveau paradis : maisonnette en dur et en bois, avec une terrasse pied dans l’eau. C’est adorable. Nous sommes à Ambondrona.
La journée se déroule tranquillement. On loue deux motos pour pouvoir sillonner l’île librement. Repas à Hell-Ville (filet de zébu tendre pour moi), balade sur les petites routes. On croise des 4L, des troupeaux de cabris et de zébus, même en ville ! On croise aussi pas mal de « vieux beaux » (ou plutôt des « vieux laids » !) qui se prennent pour des Dom Juan avec des petites malgaches, toutes belles et toutes jeunes, accrochées à leur bras. Ils sont pitoyables avec leurs cheveux teints et leur ventre bidonnant.
On évite les gouttes. Les grains se succèdent régulièrement. Je préfère être là que sur le bateau. Le soir, repas chez Tsenga (O petit bonheur), comme le jour de notre arrivée. Avant de déguster des plats trop copieux, on prend un apéro en jouant au billard.
En fin de soirée, une femme édentée vient nous proposer quelques babioles, colliers de coquillages et rideaux de graines. C’est mignon, mais on n’est pas intéressé… sauf que la rejoignent deux enfants de l’âge de Marius et Zoé, en guenille, très beaux, aux sourires las. Ils nous font peine. Tant et si bien, qu’on rappelle la marchande pour lui acheter trois rideaux à un prix trop élevé. La femme retrouve le sourire, nous salue, nous serre la main chaleureusement, tout comme ses deux fils. Puis, ils s’éloignent comme ils sont venus, dans l’obscurité de la nuit. Soudain, elle se retourne et revient pour nous offrir un quatrième rideau. Elle veut probablement nous remercier et nous vendre ses babioles à un plus juste prix. C’est en tout cas une belle leçon pour nous tous !


Samedi 9 janvier : Vol en musique

Le petit coin où nous logeons n’est pas un paradis nocturne : des moustiques, des cafards et, surtout, un matelas en mousse qui a pris immédiatement la forme de notre corps. Le plus étonnant, c’est que toute la nuit j’ai eu la sensation de tanguer. Je sentais le lit bouger, comme si j’étais encore dans le bateau. C’était étrange et pas forcément agréable.
Il a plu une bonne partie de la nuit. Ce matin, la plage est détrempée mais les nuages ne semblent pas si épais. J’ai l’espoir de revoir le soleil aujourd’hui.
Des enfants jouent sur le sable à courir et à danser avec de grands parapluies ; version malgache de « Singing in the Rain » !
Malheureusement, la pluie redouble. On préfère laisser la moto et prendre un taxi pour nous rendre une nouvelle fois à Hell-Ville. Les rues sont détrempées. Après une courte errance, nous nous attablons au même restau que la veille. Je commande un énième filet de zébu, ayant peu de chance d’en manger à la maison.
L’après-midi, la pluie se calme enfin. Olivier et moi reprenons la moto pour faire une petite virée à deux sur la très jolie plage d’Andilana puis au Mont Passot, modeste sommet de l’île d’où l’on admire sept lacs de cratères peuplés de crocos.
Finalement, la journée n’a pas été perdue. On est plutôt contents… jusqu’à ce qu’on découvre qu’on nous a dérobé dans la chambre notre appareil photo ! C’est le bouquet ! Il a probablement été volé la veille au soir, alors que nous dînions insouciants chez Tsenga.
Nous sommes abattus et c’est un peu dépité qu’on se rend Chez Mama, une petite gargote d’Ambatoalaka, après un petit tour dans un bar à côté où grouillent de vieux libidineux accrochés aux bras de jeunes filles. C’est glauque et oppressant.
Alors, nous enfourchons à nouveau nos motos pour assister à un concert de Salegy à quelques kilomètres de là, dans un lieu de bal appelé La Banane. La salle est immense, l’ambiance de feu. Des dizaines de jeunes dansent, sautent, battent le rythme avec leurs mains sur des airs sans fin. Olivier pense à son appareil photo et n’a pas trop la pêche. Mais Caro, Rapha et moi sommes déchaînés. Au bout d’un moment, l’orchestre entonne l’hymne national : plus personne ne bouge ni ne parle. Toute la salle est au garde-à-vous ! Scène étonnante ! Nous rentrons ensuite à l’hôtel, en tentant d’oublier le larcin du jour.









Dimanche 10 janvier : Balade en moto

La journée commence avec la visite du chef du district et du chef du village. Ils viennent enquêter et faire un rapport sur le vol de notre appareil photo. La scène mériterait d’être filmée. On se croirait dans une des séries africaines retransmises sur TV5.
« Vous soupçonnez une personne de votre entourage ? »
« A quelle heure présentement avez-vous constaté l’effraction ? »
« Chef, chef, ils sont passés par là ! »
Le grand chef note tout sur un petit cahier gris. C’est l’affaire du siècle !
Malheureusement, tout cela ne nous rendra pas notre appareil.
Après le temps de l’enquête, tels de vrais bikers nous partons découvrir l’île avec nos deux roues. Nous commençons par la découverte d’un petit sentier qui longe la réserve naturelle de Lokobe et nous conduit à un site désaffecté qui regroupait des anciens magasins généraux, genre Compagnie des Indes.
Nous mangeons ensuite dans un petit restau catalan à la déco exotique en ce lieu (photos de républicains espagnols armés sur les murs), ambiance bodega.
Une fois le ventre bien rempli, nous entamons le tour de l’île, longeant des rizières, des champs de manioc et d’ylang-ylang. Nous croisons beaucoup de personnes à pied, marchant le long de la route, ou assises sur le bitume, peu de voitures, sauf quelques 4L, tellement chargées qu’elles avancent en crabe et que leur plancher touche le sol. Nous faisons une escale dans un petit village de pécheurs, Ambatozavavy, qui propose des excursions vers la réserve de Lokobe. Mais il est trop tard pour s’y rendre. Demain peut-être.
En soirée, on va dîner dans l’auberge proche de l’hôtel. Le repas est médiocre, comme l’accueil, mais l’ambiance reste bonne, surtout pendant la panne de courant et avec les rafales de vent qui s’engouffrent sur la terrasse.
Pour clôturer la soirée, on enchaine quelques parties de cartes, puis dodo.


Lundi 11 janvier : Que de boue !

A notre levée, le temps est immanquablement le même : pluie, vent, grisaille…
Notre projet de visiter la réserve de Lokobe tombe à l’eau et notre entrain tend à s’affaiblir. En fin de matinée, malgré la pluie, nous enfourchons les motos pour aller manger à Ambatoalaka, chez « Papa Bebetto » (tendre zébu, poulpe et capitaine grillé). C’est très bon. Profitant d’une accalmie, nous filons une nouvelle fois à Hell-Ville pour déambuler sous la pluie et faire nos derniers achats. On ressemble à quatre petits lutins sous nos capes de pluie bleues et vertes. Rapha et Olivier remportent un vif succès auprès des enfants avec leur accoutrement. Sur sa capuche verte, Rapha a revêtu avec grande élégance son casque de moto ailé. Olivier lui, grande classe, porte le même casque de moto sous son parapluie.
La pluie ne cesse jamais et le retour en moto est boueux. On franchit d’immenses flaques d’eau marronnasses. Mais la vie continue. Les gens poursuivent leurs activités. Certains en profitent même pour faire une toilette dans les caniveaux…
Le repas du soir a lieu « Chez Flo », pas très loin de notre bungalow. C’est après une petite expédition dans le noir et la boue, que nous découvrons sa charmante bicoque. On y mange correctement mais surtout le patron est très sympa et vient discuter avec nous à la fin du repas. Retour au bungalow, nouvelles parties de cartes, dodo. Demain, c’est fini. On rentre à la maison.

Dans ce carnet, il manque plein de choses, beaucoup d’images, des décors de bleu, de vert, de boue, des scènes coquasses (une poule et ses trois poussins qui s’abritent de la pluie au bureau de Poste de Hell-Ville ; les flics, toujours au même endroit sur la route, en quête d’un bakchich qu’ils finiront par soutirer à Caro et Rapha), d’autres plus terrifiantes, fugitives mais réelles (la misère, l’alcool, un fantôme en pantalon treillis, titubant, du sang sur tout le corps, croisé le 1er janvier dans les rues de la capitale) mais surtout les sourires des hommes et des femmes croisés quotidiennement, les regards pétillants des enfants….


Mardi 12 janvier : Post-scriptum

Notre départ aura été à la hauteur du reste du séjour : pas forcément simple et pourtant marquant. Notre avion a eu 4 heures de retard et on a du l’attendre dans la salle d’embarquement, sans aucune nouvelle fiable, coincés au milieu d’Italiens en partance pour Rome, avec comme unique info des rumeurs, toutes propagées par un seul et même homme, un grand dadais qui à tous promettait l’apocalypse : un cyclone sur le parcours de l’avion, une grève générale à Mada, les aéroports fermés en Europe pour cause de neige (ça c’était vrai la veille)….
Au final, on est bien arrivé. Le retour nous a pris une journée complète pour seulement 2 heures de vol ! Mais ce petit carnet de bord rend compte de bien autre chose que ces petites galères qui font le sel d’un voyage. Et, en le relisant, je me dis que si c’était à refaire, je le referais ! Mais à une autre saison…

dimanche 17 janvier 2010

De retour

Nous voici de retour à la maison et dans la blogosphère après un beau voyage malgache, que je vous raconterai très prochainement.