vendredi 1 juin 2007

La bas si j'y suis

C’est l’histoire terrible d’une centaine de femmes, les dernières couturières du nord , héritières d’un passé prestigieux de la haute couture française. Elles sont modestes, petites mains habiles qui façonnent depuis des années les costumes d’Yves Saint Laurent ou d’autres marques de luxe.
Mais leur entreprise a un nouveau donneur d’ordre : LVMH, dont le PDG est l’illustre Bernard Arnaud, un homme dont on a du mal à évaluer sa fortune, la première de France. Sachez seulement qu’il gagne 13000 euros la journée ! Et celui ci soucieux de la rentabilité extrême de son affaire a jugé naturellement qu’il fallait délocaliser dans l’est de l’Europe. Nos petites mains nationales lui coûtent trop cher. Alors, fi des 147 femmes qui vont se retrouver sans travail, et vive l’augmentation des dividendes !
Mais ces couturières ne veulent pas abandonner. Elles luttent pour garder leur boulot, pour conserver leur petite vie qu’elles ont à coup d’aiguilles et de ciseaux durement construite. L’une d’entre elles a eu la géniale idée de devenir actionnaire. Elle s’est rendue à la banque pour acheter une seule et modeste action. Elle a obtenu ainsi son passeport pour participer à l’assemblée générale des actionnaires et rencontrer Bernard Arnaud.
Et la voilà partie avec ses copines à l’assaut de la capitale et de LVMH. Deux bus pleins : les petites mains chantent, crient, s’applaudissent ; Elles sont gaies et déterminées. Marie Hélène, la petite actionnaire est prête, prête à affronter Bernard Arnaud.
L’assemblée générale se tient dans une grande salle du Louvre. Deux mille personnes sont attendues. Marie Hélène doit montrer plusieurs fois son invitation pour être enfin admise dans la grande famille de LVMH. Elle semble bien modeste aux côtés des dames enguirlandées de leurs plus grosses perles, sentant le Givenchy ou le Guerlain, accrochées à leurs petits sacs à main. Deux mondes se croisent.
Notre couturière ne trouve place qu’au fond de la salle. Bernard Arnaud trône sur l’estrade. Il décrit les courbes montantes, les profits qui sont faramineux ; Il parle de demain toujours plus beau, toujours plus riche. Au premier rang l’applaudissent ses amis : le frère Sarkozy, Lagardère et d’autres grands patrons français. Il parle et au fond, on l’entend peu malgré la présence de télés dans les allées. Certains petits actionnaires se sont même assoupis. Une petite sieste avant de récupérer la bouteille de Champagne, offerte par le magnat du luxe.
Puis c’est le moment des questions. Marie Hélène se porte volontaire. Mais elle n’a pas tiré le bon numéro. Elle ne peut pas poser sa question !
Alors, Marie Hélène, courageuse s’avance toute seule dans l’allée ; elle descend fièrement les marches et prend la parole. Elle semble toute petite. Deux milles personnes la regardent puis l’entendent. Marie Hélène explose. Elle apostrophe Bernard Arnaud. Avec son accent du nord, elle parle de ses copines, des 147 familles qui vont bientôt connaître le malheur du chômage ; elle supplie les actionnaires de réduire un peu les dividendes pour assurer la survie de son entreprise. Bernard Arnaud semble fâché. Qui ose lui gâcher sa fête ? Il répond cyniquement que l’assemblée générale n’est pas la place d’une syndicaliste. Il détourne la tête, tandis que Marie Hélène est poussée par de nombreux sbires du grand chef vers la sortie. Marie Hélène parlera jusqu’au bout, résistera à la pression, tentera de toucher ces hommes et femmes. En vain.
L’histoire de Marie Hélène a été racontée dans l’émission de "Là bas si j’y suis", mardi mercredi et jeudi dernier. Je vous invite vivement à l’écouter. C’est possible sur le site http://fr.wrs.yahoo.com/_ylt=A0geul7rB2FGJxcAxzFjAQx.;_ylu=X3oDMTE3MmFxOWJxBGNvbG8DZQRsA1dTMQRwb3MDMQRzZWMDc3IEdnRpZANmcnMwMDlfOQ--/SIG=11aiju0ma/EXP=1180850539/**http:/www.la-bas.org/. Faites le vite. Vous allez vibrer, vous mettre en colère, peut être même pleurer. J’en ai encore la chair de poule.
Bonne écoute !

Cécile